I/ Sujets centrés sur le processus de création en relation avec le contexte littéraire et politique

1/ Pourquoi Musset a-t-il créé le personnage du cardinal Cibo, qu'il n'a pas trouvé dans Une Conspiration en 1537 de George Sand ?

Votre réflexion devra se fonder sur l'exploitation d'exemples précis tirés de la pièce de Musset. Il est possible d'intégrer dans votre développement un commentaire de l'image ci-jointe (Huster, 1989), sans que ce soit une obligation.

Remarques - Il n'est nécessaire de passer ni par Sand ni par Varchi pour traiter ce sujet, que l'on doit infléchir dans la perspective du contexte de création de la pièce et des intentions du dramaturge. L'intérêt (et la difficulté) de cette nouvelle approche est qu'elle réoriente franchement le sujet-bateau sur un personnage (sa caractérisation, ses fonctions dramatiques et symboliques) de la description vers l'interprétation : on demande aux élèves de réfléchir aux choix que doit effectuer l'écrivain en fonction des nécessités internes de son oeuvre, mais aussi du contexte dans lequel il la produit.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Si la classique grille d'étude d'un personnage a été convenablement exploitée par la grande majorité des élèves, ils ont en revanche éprouvé beaucoup de difficultés à montrer à quel point c'est le cardinal qui mène véritablement le jeu dans l'acte V ; les élèves qui n'ont aucune idée du costume d'un cardinal n'ont pas su le reconnaître sur le document proposé avec le sujet, et n'ont donc pu commenter sa position en retrait, derrière le nouveau duc, et pourtant centrale sur la photographie. Quant aux références à Tartuffe et à l'anticléricalisme de la fin de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, elles leur ont tout bonnement échappé, sans parler du traître de mélodrame, qu'ils ont pourtant fréquenté l'an dernier avec Ruy Blas mais dont ils n'ont pas su reconnaître l'avatar chez Musset. C'est dire à quel point la contextualisation littéraire et historique est loin de leur être naturelle...»

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2/ Pourquoi Musset a-t-il créé le personnage de Philippe Strozzi, qu'il n'a pas trouvé dans Une Conspiration en 1537 de George Sand ?

Votre réflexion devra se fonder sur l'exploitation d'exemples précis tirés de la pièce de Musset. Il est possible d'intégrer dans votre développement un commentaire de l'image ci-jointe (Zeffirelli, 1977), sans que ce soit une obligation.

Remarques - Mêmes remarques que précédemment. On sait que le Philippe Strozzi de Varchi n'a rien à voir avec celui de Musset, qui constitue bien une authentique création dont il faut chercher à dégager la logique : pourquoi Musset a-t-il besoin de ce personnage, et pourquoi le caractérise-t-il ainsi ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« Les élèves ont très bien exploité l'image pour mettre en évidence la dimension paternelle de Philippe, mais ils n'ont pas su relier cette caractérisation à la nécessité pour Musset de créer un personnage qui serve de confident à Lorenzo dans une scène qui, à l'acte III, complète (en les réorientant) les informations données par les scènes d'exposition. Par ailleurs, la fonction symbolique de Philippe comme représentant des Républicains qui parlent bien plus qu'ils n'agissent a été convenablement comprise, mais pas spontanément rapprochée du contexte politique de 1830-34. La lecture de la pièce reste donc close sur elle-même, et il faudrait peut-être trouver une formulation de la question qui invite davantage les élèves à la contextualiser. »



3/ « La Florence imaginaire de Musset ressemble en bien des points à la France des années 1830, telle qu'il l'a vécue : cette invasion ecclésiastique, cet étalement de la corruption, cette humiliation après les gloires napoléoniennes, ce sentiment d'étouffement de la jeunesse.» (Jean-Pierre Vincent, Programme du festival d'Avignon, 2000).

Vous justifierez la pertinence de ce rapprochement par des références précises au texte de Musset.

Remarques - Un sujet de littérature n'étant pas un sujet d'histoire, il n'y a pas lieu d'attendre un développement conséquent sur la situation historique de la France en 1830. On attendra donc de l'élève qu'il prenne à son compte l'analyse de Jean-Pierre Vincent, et qu'il en développe les principaux thèmes. Les deux critères d'évaluation à privilégier seront la connaissance de l'œuvre, et la capacité à construire un plan cohérent et enchaîné : dans ces conditions, ce sujet peut tout à fait constituer un exercice de fin de séquence.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Ce sujet a été donné en classe en deux heures. Grâce au début de la citation, tous ont compris que le sujet porte sur le contexte historique. Mais la difficulté que rencontre la quasi-totalité (d’une classe de 35 élèves aux niveaux extrêmement divers) est de faire se rencontrer des connaissances livresques sur le contexte social et politique et les enjeux de la pièce. Ils plaquent d’abord des connaissances générales auxquelles, dans le meilleur des cas, ils font succéder quelques exemples tirés de Lorenzaccio. Ils ont toutefois utilisé les pistes données par la citation, ce qui les a aidés à trouver les exemples, mais l’analyse est toujours restée succincte et ils n’ont pas su les intégrer à une réflexion sur l’écriture de Musset. À l’inverse, quelques-uns ont « illustré » la citation sans jamais faire référence au contexte de la France des années 1830… La citation était une aide, mais la majorité en est restée au mieux prisonnière (certains n’ont pas su en profiter). Seuls trois élèves ont su reformuler pour montrer que Lorenzaccio est le miroir du passé et du présent (même si Jean-Pierre Vincent pensait aussi au miroir de l’avenir, notre présent, mais le sujet ne les y invitait pas explicitement) et l’ont inscrit dans la vision romantique.»

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4/ Dans un article intitulé « Lorenzo, un enfant du siècle à la Renaissance », Guillaume Navaud écrit : « Le principal souci de Musset n’est pas de reconstituer avec précision l’histoire et le contexte de la Florence du XVIe siècle, mais bien d’écrire une parabole sur son propre siècle. »

Cette affirmation vous semble-t-elle pertinente ?

Remarques - Ce sujet porte lui aussi sur le contexte de création de Lorenzaccio et les intentions de Musset. Sa difficulté est la même que celle du sujet précédent : il suppose un minimum de connaissances historiques, une lecture attentive de la pièce de Musset, et une réflexion sur l'enjeu du drame romantique.

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II/ Sujets centrés sur la différence entre spectacle dans un fauteuil et spectacle représenté

1/ En quoi l'acte I de Lorenzaccio montre-t-il d'emblée que l'écriture de Musset s'affranchit de la contrainte de la représentation ?

Remarques - Ce sujet, centré sur le processus d'écriture de la pièce compte tenu d'un certain contexte dramaturgique, suppose que l'élève ait un minimum de connaissances sur les contraintes techniques de la représentation dans un théâtre du XIXe siècle, en termes de décors, d'éclairages, de figuration, de durée, mais aussi de réception par les divers comités de lecture et le public. Cela étant dit, le sujet ne semble pas poser de difficulté majeure, sinon qu'il impose une relecture précise de l'acte I attachée tout autant à la structure d'ensemble (changements incessants de lieux et de nombre de personnages en scène) qu'au détail de l'écriture (cheval de Louise, bruit de la grenouille, etc). Un tel sujet donné en devoir-maison ou en devoir sur table de deux heures, avec possibilité de consulter le livre, peut constituer un bon exercice d'entraînement en début de séquence. Donné dans les conditions de l'écrit du bac, en une heure sans aucun document, il suppose que l'élève ait mémorisé et ces structures d'ensemble et ces détails particuliers... C'est bien la difficulté de tous les sujets qui demandent l'étude précise d'une scène ou d'une séquence narrative particulière : ils ne supportent pas une lecture trop éloignée dans le temps ou trop distraite.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Ce sujet a été donné en préparation à la maison, dont la restitution était possible pendant deux semaines. La première fournée de copies a été calamiteuse, les élèves confondant tous systématiquement contraintes de la représentation et règle classique des trois unités : les souvenirs de l'objet d'étude de première, Texte et représentation, semblaient fort lointains, et la confusion était d'autant plus surprenante que la classe avait étudié un drame romantique l'an dernier. Il ne faut donc pas partir du principe que les élèves pourront s'appuyer sur les acquis des années précédentes : c'est un espoir qui s'avère bien utopique. Le recadrage ayant été effectué lors d'une séance où nous avons par ailleurs commenté le rapport de censure de 1864, une deuxième fournée a été un peu meilleure, mais les copies ont cette fois nettement dissocié les contraintes liées aux décors et au nombre des personnages (2/3 du paquet) des problèmes liés à la réception des directeurs de théâtre, des spectateurs et de la censure (1/3) : aucune copie n'a regroupé les deux. Quant à la poésie de l'écriture de Musset, plus accessible à la lecture qu'à la scène, elle a été purement et simplement ignorée.»

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2/ Pourquoi Musset écrit-il Lorenzaccio en en refusant par avance toute représentation ? Quelle liberté lui donne l’écriture d’une œuvre théâtrale destinée à une simple lecture ?

Remarques - Ces questions très larges permettent de faire le bilan de toute la réflexion conduite en classe autour du thème « Ecrire-publier ».

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3/ En 1834, Louis de Maynard s’indigne devant les ouvrages de Musset, « ouvrages dramatiques qui ne sont pas des ouvrages dramatiques » car ils « ne peuvent se jouer » ; Zola, lui, en 1877, affirme à propos de Lorenzaccio que si « on a reculé jusqu'ici devant l'audace de certaines situations et devant des difficultés matérielles de mise en scène », « il est évident qu'un jour ou l'autre l'aventure sera tentée ». Quant à vous, vous semble-t-il que le drame de Musset doive nécessairement être mis en scène pour être achevé ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé le sujet
« Ce sujet intéressant a permis d'initier un travail sur les théories de la réception - dont certains élèves avaient intuitivement compris l'importance. Pour beaucoup d'entre eux, il importe avant tout qu'un spectacle soit fidèle à la pensée de Musset. Il est riche de leur montrer qu'une fois que le metteur en scène a le désir de représenter le texte de Musset, - et pour Bernard Masson c'est une réalité depuis 1927 - ce texte (qui n'est donc plus totalement réécrit) peut être lu de façon singulière par chacun. Le metteur en scène ne propose qu'une lecture. Il est intéressant de s'arrêter sur la dimension poétique de la pièce, ce que nous faisons en étudiant le monologue : « Suis-je un Satan ? » ; nous avons ainsi vu que qui dit spectacle poétique dit mise en scène dans l'esprit du lecteur, l'intérêt principal, par rapport à une mise en scène réelle, étant de permettre l'ubiquité, la concomittance et de rendre quasi visible ce qui est plus onirique dans la pièce. Cela dit, les élèves ont eu du mal à formuler très clairement le sens de la lecture des deux ou trois metteurs en scène dont nous avions vu des extraits ou parlé davantage (Baty, Krejca, Zeffirelli, Lavaudant).»



4/ Gaston Baty, dans sa mise en scène de 1945, adopte un décor stylisé et écrit : « Qui sait si quelques accessoires, de beaux costumes, des violons, des chants et de la lumière ne suffiront pas à évoquer Florence ? »

Dans quelle mesure un tel décor répond-il à la représentation de Florence telle qu’elle apparaît dans le texte de Musset ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé le sujet
« Ce sujet donné fin novembre a obtenu des résultats très contrastés. Certains élèves ont (re)fait l’inventaire des lieux ! D’autres se sont appuyés très finement sur la formule de Baty, ce qui a donné lieu par exemple à des paragraphes sur la musique, la fête… Et ils ont bien vu que Florence était à la fois un décor et un personnage de la pièce. Et, en classe, au moment de la correction, cela a permis de reparler du fait que la Florence du XXe siècle pouvait être Prague ou ailleurs, et celle du XXIe les lieux de corruption contemporains. Bref ! l'exercice s'est avéré intéressant.»



5/ Le carnaval prend-il la même signification pour le lecteur et pour le spectateur de Lorenzaccio ?

Retour d'expérience du collègue qui a proposé le sujet
«J'ai entendu une collègue parler de ce sujet, qui m'a semblé intéressant et que j'ai donné en évaluation de type bac, comme question à 12 points. Mais pris par le temps, j'avoue ne pas l'avoir testé et préparé en cours avant de le proposer aux élèves... Ce fut une véritable catastrophe, la plupart d'entre eux n'ayant rien trouvé à dire sur la question. Il est vrai que la seule mention explicite de ce carnaval, dans la scène 2 de l'acte I, peut passer inaperçue. Certains élèves se sont rabattus sur le bal du début, mais m'ont fait remarquer pendant la correction qu'on pouvait organiser des bals costumés toute l'année... Un autre élève particulièrement bien informé m'a signalé que le carnaval commence le jour de l'Epiphanie (6 janvier) ; or le meurtre d'Alexandre le 6 janvier clôt cette période au lieu de l'inaugurer. Bref, la pertinence de la notion de carnaval dans la pièce de Musset leur a semblé très discutable : l'inversion des valeurs à Florence semble avoir lieu en permanence, et pas seulement pendant la période qui précède le mardi-gras. J'ai alors cherché à les faire travailler sur cette notion élargie, mais le distinguo entre théâtre lu et théâtre représenté a alors donné lieu à d'autres critiques, la première étant que ni Zeffirelli ni Lavaudant (les deux seuls dont nous ayons une vidéo) n'avaient particulièrement mis ce carnaval en évidence : qu'est-ce que des élèves pouvaient donc avoir à dire sur le carnaval pour un spectateur, si les metteurs en scène eux-mêmes ne l'avaient pas exploité ? Je leur ai parlé de la version de Krejca, mais ils m'ont rétorqué qu'ils n'étaient pas obligés de la connaître, et qu'avec seulement deux heures par semaine je n'étais pas en droit de leur demander un effort de documentation qu'ils jugent excessif. Bref, le choix de ce sujet fut calamiteux : la correction a malheureusement dérapé sur une discussion à propos de la pertinence du choix de certaines oeuvres et de certains objets d'étude par le Ministère... Je n'ose imaginer ce que cela donnerait si d'aventure un tel sujet était donné à l'écrit du Bac !!! »



6/ Les longues tirades et les monologues de Lorenzo peuvent-ils être appréciés de la même manière à la lecture et à la représentation ?

Remarques - Ce sujet demande de réfléchir à l'aspect très « écrit », souvent poétique et en tout cas rhétorique de ces textes qui peuvent paraître ne pas avoir été écrits pour la scène mais seulement pour la lecture : en témoignent les coupes drastiques qu'ils subissent souvent de la part des metteurs en scène (et des interprètes). Sont-ils véritablement anti-dramatiques ? et en contradiction avec le mépris affiché de Lorenzo pour le « bavardage humain » ?

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III/ Sujets centrés sur la réception de la pièce au XIXe siècle

1/ Ecriture d'invention - Septembre 1834. Deux bourgeois de province écrivent à La Revue des deux mondes pour s’étonner de la place accordée à Lorenzaccio, une œuvre si noire, si peu conforme aux règles et aux convenances. Imaginez leur lettre.

Remarques - La finalité de cet exercice est d’amener les élèves à bien identifier les raisons pour lesquelles une pièce comme Lorenzaccio ne pouvait pas connaître un large succès au moment de sa publication.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«J'ai remanié ce sujet d'écriture d'invention en le centrant sur la réception de Lorenzaccio et non plus sur celle du théâtre romantique en général. Le seul écueil, c'est de faire parler ces bourgeois comme des maîtres d'école rappelant les règles. Il me semble bon de faire lire aux élèves un extrait de la première des Lettres de Dupuis et Cotonet, avec l'espoir qu'ils sauront en apprécier l'esprit.»

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2/ Ecriture d'invention - Février 1836. Au cours d’un dîner, Musset et ses amis évoquent l’article de Sainte-Beuve que vient de publier La Revue des deux mondes. Ils commentent à cette occasion les critiques diverses parues dans la presse depuis la publication de Lorenzaccio, les uns les contestant, les autres les approuvant, tous se référant précisément à l’œuvre. Imaginez leur conversation.

Remarques - La finalité de cet exercice était de voir ce que les élèves ont retenu de l’accueil fait à la pièce de Musset lors de sa première publication et de les amener à bien cerner le décalage entre les choix d’écriture de Musset et les attentes du public. Outre les difficultés d'expression qu'ont rencontrées les élèves qui n'écrivent pas avec aisance, trois écueils n'ont pu être évités : les anachronismes, les inexactitudes dans le choix des rares amis de Musset comme dans la restitution du cadre et des circonstances du dîner, et parfois une lecture approximative, voire erronée des articles de presse lus sans doute trop vite. Cela n'enlève rien à l'intérêt de l'exercice, puisqu'il permet justement de révéler des incompréhensions qu'une simple lecture en classe n'aurait pas mises en évidence.

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IV/ Sujets centrés sur les différentes lectures que proposent les mises en scène depuis 1896

1/ L'interprétation du rôle de Lorenzo par une actrice trahit-elle le personnage créé par Musset ?


Remarques - Ce sujet n'impose pas une connaissance exhaustive de toutes les représentations donnant le rôle-titre à une actrice travestie, mais il est évident qu'il ne peut être traité sans un minimum de connaissances sur la première représentation historique de 1896 avec Sarah Bernhardt. La question de l'absence de virilité du héros (réelle ou simulée) et de ses relations éventuellement homosexuelles avec le duc doit s'appuyer sur une analyse précise des éléments du texte de Musset. La discussion peut conduire à une réflexion sur la tradition théâtrale et le rôle de ce qu'on n'appelait pas encore le star system, qui déplace le centre de gravité de l'oeuvre sur le destin et la psychologie du protagoniste au détriment de la dimension collective, ou encore à une réflexion sur le choix effectué par certains metteurs en scène de privilégier délibérément la dimension homosexuelle, mais d'une manière qui soit acceptable pour le public auquel ils s'adressent.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«La principale difficulté rencontrée fut la construction d'un raisonnement fin. Pour simplifier le leur, les élèves ont presque tous affirmé que oui, ce choix était une trahison car il est évident que Lorenzo est un homme. Ils ont eu du mal, du fait de leur méconnaissance des conditions de la représentation théâtrale au XIXe siècle, à percevoir que l'enjeu était autre : faire jouer Lorenzo par une femme, notamment Sarah Bernhardt, conduit à accorder trop d'importance à ce personnage car le public vient voir la vedette ; de plus, cela impose comme une réalité ce qui n'est qu'une manipulation, puisque Lorenzo joue l'efféminé pour endormir la méfiance du duc. J'ai tout de même trouvé que la plupart des élèves avaient mené un travail d'apprentissage sérieux et connaissaient par coeur de nombreuses citations pertinentes pour illustrer chacune de leurs idées. Un travail de "remédiation" intéressant a été proposé à partir de Wikisource : nous avons relevé toutes les occurrences du mot "noces", et nous les avons commentées.»

Autre retour d'expérience
«La plupart des élèves se sont contentés d'évoquer l'homosexualité cachée (ou non) du personnage, choqués qu'ils étaient par la vision du baiser sur la bouche entre Huster et Boutté dans la version Zeffirelli, confondue avec la lettre du texte. Peu d'entre eux se sont astreints à ratisser cette lettre du texte pour proposer un argumentaire plus subtil..»

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2/ Deux metteurs en scène, Georges Lavaudant en 1989 et Jean-Pierre Vincent en 2000, ont habillé Lorenzo en mariée dans la scène du meurtre. Ce parti-pris de mise en scène vous semble-t-il justifié ?

Vous vous fonderez sur une analyse précise du texte de Musset pour répondre à cette question.

Remarques - Cette question est en partie liée à la précédente, mais demande de bien différencier rôle travesti (actrice jouant le rôle d'un personnage masculin) et travestissement d'un personnage masculin habillé en femme. Un repérage précis effectué dans le texte de Musset est indispensable, ce qui implique que la question ait été préparée en amont si elle doit être donnée en évaluation de type bac. La connaissance des mises en scène abordant de front la question de l'homosexualité est utile mais non obligatoire.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« Ce sujet a très bien fonctionné. Il y a eu d'excellentes copies, et les moins bonnes ont tout de même traité la plupart des enjeux essentiels du sujet : la récurrence du thème des noces, la relation ambiguë Lorenzo- Alexandre, le mariage comme serment, mais aussi la blancheur de la robe comme symbole d'une pureté perdue etc.»

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3/ Dans cette mise en scène de Gérard Philipe à Avignon en 1952, que traduit le regard de Lorenzo (Gérard Philipe) sur le duc (Daniel Ivernel) qu'il vient d'assassiner ? Les sentiments exprimés vous semblent-ils conformes à la lecture que vous avez faite de Lorenzaccio ?


Remarques - La photo est suffisamment explicite pour que les élèves voient une certaine tristesse dans le regard du comédien, sans pour autant connaître la mise en scène, dont ils ont toutefois certainement dû voir des photographies, tant elle est mythique. Ils pourront analyser les raisons qui ont poussé Lorenzo à tuer le duc et l’ambiguïté de ses sentiments à son égard, jusque dans le choix qu’il assume de l’assassiner.

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4/ Sujet de Tokyo, session 2013 (question à 8 points)

Quelles différentes lectures peut-on faire de la scène du meurtre d'Alexandre dans Lorenzaccio de Musset ? Vous pourrez vous appuyer notamment sur le document iconographique proposé.


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5/ Cette affiche de la mise en scène contemporaine de Lorenzaccio par Claudia Stavisky en 2010 vous semble-t-elle rendre compte de la complexité du personnage de Lorenzo ?


Remarques - Il n'est évidemment pas nécessaire de connaître la mise en scène de Claudia Stavisky pour traiter cette question. Elle suppose simplement une analyse précise des composants de l'image et leur mise en relation avec des éléments du texte de Musset qui débouche sur une interprétation. Une piste possible serait de réfléchir, à partir de cette image, à la pertinence du sous-titre qu'avait proposé Albert Thibaudet pour Lorenzaccio : «On ne badine pas avec les masques». Si par ailleurs on formulait différemment la question, en demandant cette fois si l'affiche rend compte de la complexité de la pièce Lorenzaccio, on attendrait (dans une question plus ambitieuse à 12 points), une réflexion sur toutes ces mises en scène qui depuis Sarah Bernhardt centrent leur attention sur le personnage éponyme, en laissant plus ou moins de côté la dimension politique de la pièce ; mais aussi une remarque sur les limites de l'art de l'affiche, qui ne saurait rendre compte d'une telle complexité parce qu'il obéit à d'autres lois et à un langage spécifique. NB : ce sujet peut être adapté à d'autres affiches, facilement disponibles sur la toile et sur ce site.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Ce sujet a été donné en question à 8 points dans un devoir sur table, et n'a pas mal fonctionné, dans le sens où les élèves ont assez bien décrit les diverses composantes de l'affiche et en ont proposé des interprétations pertinentes. Cette affiche est à cet égard vraiment précieuse pour faire le point sur le thème du masque, et pour vérifier si les élèves ont bien compris le drame de Lorenzo à la fin de la pièce. Mais le gros défaut de ce paquet a été que peu d'entre eux ont cherché à étayer leur démonstration par des citations précises du texte de Musset, alors qu'ils disposaient encore exceptionnellement du livre. Que sera-ce le jour du bac ?»

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6/ Dans la mise en scène d’Otomar Krejca en 1969 à Prague, puis en 1979 à Avignon, Lorenzo est toujours accompagné de son double masqué.

Quelle interprétation du personnage de Lorenzo ce choix révèle-t-il ? Comment pouvez-vous le justifier par votre lecture de la pièce de Musset ?

Remarques - La problématique du masque et du double est centrale dans la pièce, et il est nécessaire que l’élève ait une connaissance précise des passages qui le montrent. Sans avoir besoin de connaître la mise en scène de Krejca, il est important aussi de rendre compte des moyens qu’une mise en scène met en œuvre pour donner une lisibilité à l’interprétation.

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7/ Le rapprochement de Lorenzo et d'Hamlet, souvent effectué par certain[e]s interprètes ou metteurs en scène, vous semble-t-il pertinent ?

Remarques - Ce sujet ne saurait être posé à l'écrit du bac, dans la mesure où la pièce de Shakespeare n'est pas au programme cette année. Mais il peut être travaillé en classe ou donné en devoir-maison : il permet en effet de préciser, par comparaison, la caractérisation de Lorenzo, de réfléchir aux relations qu'entretient le drame romantique avec le drame shakespearien, et de mettre en évidence des partis-pris de mise en scène qui ne se limitent pas, loin s'en faut, à l'interprétation inaugurale de Sarah Bernhardt.

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8/ A partir de ces photographies d'acteurs (ou d'actrices) qui ont interprété le rôle de Lorenzo, vous tenterez de justifier les interprétations qu'implique le choix des metteurs en scène, et vous direz quel acteur vous semble le plus pertinent, et pourquoi.



Vous ne manquerez pas de mettre en évidence ce qui, dans le texte de Musset, peut justifier votre réponse.

Remarques - On peut poser ce sujet sans avoir au préalable présenté les diverses mises en scène auxquelles correspondent ces cinq photographies. Dans ce cas, les images fournies aux élèves devront être de taille suffisante pour qu'ils puissent s'appuyer sur une analyse précise des détails de physionomie, de coiffure, de costume, etc.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«J'ai jugé que ce sujet pouvait permettre aux élèves de manifester leur sens de l'observation en mettant en relation choix des metteurs en scène et interprétation. En fin de parcours, j'aboutirai, j'espère, à l'idée d'une œuvre assez riche pour provoquer des recréations, en d'autres termes, ce qu'est finalement une œuvre «classique». Les élèves ont plutôt bien réussi ce travail, dans la mesure où les réponses étaient organisées, selon sexes et costumes du XVIe siècle au XXe. Mais il restait un défaut : pas assez de références au texte de Musset. D'où la formulation plus précise de cette exigence dans la consigne.»



9/ Yves Beaunesne, dans sa mise en scène de Lorenzaccio en 2009, a choisi, en plus des dix comédiens pour les rôles principaux, de figurer plusieurs personnages par de grandes marionnettes en bois, animées par les acteurs.

Qu’est-ce qui dans la pièce de Musset peut justifier un tel choix ?

Remarques - Il n’est évidemment pas nécessaire de connaître la mise en scène d’Yves Beaunesne pour répondre à cette question qui porte sur le choix de marionnettes, donc sur la manipulation et les différents niveaux de jeu. Il importe donc peu de savoir quels rôles Yves Beaunesne a décidé en réalité de confier à des comédiens. Il s’agit de réfléchir au statut du peuple de Florence à l’époque de la fable mais aussi à celui du peuple en 1834 et 1853, voire à celui du peuple en général. La première vignette représentant l’assassinat de Louise Strozzi permet aussi de voir que le peuple n’est pas le seul à être concerné mais que la famille Strozzi et les républicains le sont tout autant Ce sujet porte donc sur la manipulation opérée par les puissants, eux-mêmes manipulés par d’autres. Les comédiens en noir laissent penser aux forces cachées, voire occultes. Enfin Florence est un théâtre où se joue la comédie du pouvoir.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« Ce devoir a été donné à la maison. La difficulté pour quelques-uns fut de comprendre que dans le cadre d’un sujet de littérature (et non pas d’option théâtre !), la marionnette est une métaphore de la manipulation ; il ne s’agissait pas de se pencher sur le travail du comédien-marionnettiste ni sur la conception et la construction de la marionnette, mais de chercher pourquoi l’idée de marionnette, pantin ou fantoche, a pu s’imposer à un metteur en scène et est bel et bien adaptée à la pièce. Qui manipule qui ?
La grande majorité des élèves a bien analysé le rôle du cardinal Cibo : ils ont aussi plutôt bien compris qu’il était le bras (non manipulé !) du pape. La scène 1 de l’acte V et la dernière scène de l’intronisation de Cosme de Médicis ont été bien utilisées. La “comédie du pouvoir” a donc été à peu près cernée. Tous n’ont toutefois pas toujours bien montré comment le peuple est le jouet des puissants qui le cantonnent dans un rôle de badaud, ni comment Alexandre est lui-même un fantoche. Plus difficile a été de déterminer la part de manipulation en ce qui concerne Lorenzo : manipulateur ? manipulé ? Leurs lectures, un peu chaotiques, ont amené un certain nombre d’entre eux à affirmer que Lorenzo était manipulé mais ils ont eu du mal à le justifier par le texte, restant dans des généralités – qui pour notre part nous semblent inexactes. La difficulté principale reste une fois encore l’utilisation précise du texte de Musset.»

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10/ Le choix par Francis Huster en 1989 de costumes qui n'appartiennent pas à la Renaissance mais au XIXe siècle vous semble-t-il pertinent ?


Remarques - Une fois encore, la connaissance de la mise en scène de Francis Huster n'est pas indispensable pour traiter le sujet. Il semble en revanche prudent de bien préciser aux élèves qu'il s'agit de vêtements du XIXe siècle, pour éviter de fâcheuses confusions dues à une éventuelle méconnaissance de l'histoire du costume... Cela posé, on attendra évidemment d'eux qu'ils identifient le lien qu'effectue Huster avec le contexte de création et de publication de la pièce : les références visuelles ne sont plus celles de l'intrigue dans la Florence de 1537, mais bien celles de Paris en 1834, ce qu'il faudra justifier par un retour précis au texte de Musset et par une explicitation des problématiques qui sont celles de l'auteur à l'époque. Une réflexion sur les motifs de ce décentrage spatio-temporel dans la Florence de la Renaissance, annulé par Huster, sera alors la bienvenue. On pourra enfin, au moment de la correction, discuter avec les élèves de la pertinence des référents historiques choisis par Huster, que seule une culture plus pointue pourrait leur donner : le duc en Louis-Philippe, Philippe Strozzi en Victor Hugo (de l'exil) ou la marquise Cibo en George Sand.

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11/ En 1969, dans sa mise en scène historique de Lorenzaccio au théâtre du Za Branou à Prague, Otomar Krejca avait imaginé ainsi la scène de dénouement, décrite par un spectateur de l'époque : «On apporte un tapis qu'on déroule. Apparaît alors le corps d'Alexandre qu'il enveloppait. Le corps se redresse, et voilà qu'on le vêt d'un nouveau costume princier : il devient Côme, puis, après avoir prêté serment à Dieu et au cardinal, Côme gagne la tribune d'où il s'adresse à la foule.» Vingt ans plus tard, en 1989 à la Comédie-Française, Georges Lavaudant faisait, de la même manière, interpréter au même acteur, Richard Fontana, le double rôle d'Alexandre puis de Côme de Médicis :

Vous expliciterez et justifierez un tel parti-pris symbolique de mise en scène en vous fondant sur une analyse précise du texte de la pièce de Musset.

Remarques - Il peut être utile, mais pas indispensable, d'avoir en tête quelques notions sur la mise en scène de Krejca, qui ne prétend à aucun réalisme et cherche en permanence, avec une inventivité et une intelligence remarquables, à transmuter des idées abstraites en images et en dramaturgie. Dans le cas présent, il s'agit de rendre sensible ce qu'on a appelé «le retour du même», le fait que rien ne change dans la situation politique à Florence, malgré le meurtre d'Alexandre. Cette stagnation, ou cette circularité, doivent être mises en évidence par une étude précise des effets de récurrence dans la pièce de Musset, en particulier de l'acte I à l'acte V. Cet exercice suppose donc de la part de l'élève une bonne mémorisation d'ensemble et de détail, et probablement, pour qu'il soit véritablement fructueux s'il est donné en évaluation terminale, un repérage préliminaire à partir d'une consigne adaptée, ou des études partielles effectuées plus tôt dans la séquence, et dont ce sujet constituerait l'aboutissement.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Ce sujet a été posé en devoir sur table, en question à 8 points. A part une élève qui m'a dit que Krejca avait confié le rôle de deux personnages différents au même acteur pour des raisons financières, pour économiser du personnel, les autres copies ont convenablement compris le sens de cette mise en scène. Mais peu d'élèves ont pensé à relever des manifestations du «retour du même» à l'échelle de tout l'acte V : ils se sont contentés d'expliciter l'immobilisme politique, sans véritablement citer le texte de Musset pour le justifier. »

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12/ Dans l'émission télévisée Aujourd'hui magazine du 21/03/1978, Francis Huster, alors interprète de Lorenzaccio à la Comédie-Française, débat avec Bernard-Henri Lévy pour qui Lorenzo incarne l'engagement politique des écrivains de l'école romantique. Que pensez-vous de l'affirmation de Huster : « Lorenzo, c'est un tigre qui veut se prendre pour un oiseau, ça n'a rien à voir avec la politique. Le véritable Lorenzo, et le Lorenzo de la pièce de Musset, c'est un homme qui porte un regard sur lui-même. »

Vous répondrez en un développement argumenté s'appuyant méthodiquement sur l'oeuvre et sur ce que vous savez de sa publication et de ses représentations.


Remarques - Ce sujet peut se traiter sans qu'on visionne au préalable le débat (rendu assez affligeant, malgré la vaine tentative de recadrage chronologique de BHL, par les arguments péremptoires et décousus d'Huster, meilleur acteur que débatteur...) La formule métaphorique à laquelle se cramponne l'interprète de Lorenzo est celle que lui avait soufflée Franco Zeffirelli comme seule indication scénique, mais il ne prend pas la peine de l'expliciter, ce que devra malgré tout tenter de faire l'élève, en opposant (par exemple) la sauvagerie à la pureté.... Le visionnage de la version DVD de Zeffirelli, facilement disponible sur le marché, permettra de confirmer le fait que le metteur en scène italien privilégie le pôle psychologique. Mais cette option ne doit pas faire oublier la lecture politique à laquelle invite en particulier l'acte V ; sans aller jusqu'à exploiter l'exemple de Krejca ou de Rétoré, moins accessibles aux élèves, il leur suffirait, pour répondre à Huster, de lui rappeler que cet acte politique n'est pas si maltraité que cela dans la version Zeffirelli, qui maintient même la scène V, 6, si malmenée d'ordinaire. Preuve que la lecture de l'interprète ne tient pas nécessairement compte de toute la complexité des intentions de son propre metteur en scène...

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«J'ai donné ce sujet à mes élèves de terminale en devoir surveillé de deux heures, après un mois et demi de cours sur l'oeuvre et une première évaluation de compréhension de la pièce et de son contexte historique. Les élèves s'en sont bien sortis pour la plupart ; j'ai néanmoins eu trois copies blanches de la part d'élèves qui n'avaient pas lu l'oeuvre. Cela prouve qu'ils ne pouvaient pas réciter leur cours et qu'ils avaient à réfléchir vraiment à partir de leur lecture. Peu d'élèves ont utilisé le peu que nous avions déjà vu des mises en scène, mais tous ont vu l'antithèse, le rapport avec les caractéristiques du drame romantique, et ont réussi à construire une réflexion binaire. Aucun n'a pensé à utiliser la citation : "De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi" (IV,3) ni la citation d'un critique de la première mise en scène avec Sarah Bernhardt (Henry Bauer, L'Echo de Paris, 1896) : "Regardez ; ce n'est pas une femme travestie qui entre sur la scène, c'est Lorenzaccio lui-même, les gestes, la démarche, le masque du chétif et sombre jeune homme, le verbe calculé, amer et railleur de l'éphèbe dévirilisé par la débauche en qui rugit une âme de lion. Comme il feint la peur devant une épée, le mignon du Médicis ! il pâlit, il se pâme, et, tout à l'heure, dans l'arsenal, contre Scoronconcolo, le fer en main, il poussera le spadassin avec une énergie, une violence, une fureur, des clameurs terribles, tel le fauve bondissant sur sa proie. C'est qu'il s'imagine avoir au bout de sa lame le Médicis." Mais la plupart ont tiré de l'analyse de la signification des métaphores une bonne entrée dans le coeur du sujet. Ils ont finalement apprécié de voir le débat, très théâtral, en archive INA, à l'issue de la correction.»

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13/ Lorenzaccio peut-il être considéré comme un héros ou un anti-héros romantique ?

Retour d'expérience du collègue qui a proposé ce sujet
« Pour ce sujet, il fallait évidemment commencer par définir dans l'introduction, héros, anti-héros, et héros romantique. Le héros romantique étant d'ailleurs souvent un anti-héros, comme Robert Macaire. Un cours approfondi sur le théâtre romantique aurait permis de mentionner Hernani et son sacrifice absurde, ou de comparer avec les exemples contemporains de la création de la pièce en 1896, le burlesque et quenien Ubu (1896) et le romantique en retard Cyrano (1897). Amusant d'ailleurs que les deux plus grands succès du théâtre romantique soient ces deux pièces atypiques par rapport au corpus (Lorenzaccio et Cyrano). On pouvait entre autres évoquer le « petit couteau », et tous les comportements anti-héroïques au sujet du combat, ce que plusieurs élèves ont fait. La réflexion sur la mise en scène de Baty permettra de terminer la conclusion par une ouverture sur le héros sartrien.»



13 bis/ La qualification de « héros romantique » suffit-elle selon vous à définir le personnage de Lorenzo ?


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14/ Dans L’Ecole du désenchantement, ouvrage publié aux éditions Gallimard en 1992, le critique littéraire Paul Bénichou écrit :

« Les sarcasmes de Lorenzo atteignent peut-être la société française des années 1830, mais ils vont singulièrement au-delà, ils dépassent toute société et tout régime politique particulier. La cible de Musset est l’espèce humaine ; son désespoir est définitif. »

Cette lecture de Lorenzaccio vous semble-t-elle pertinente ? Vous vous appuierez sur le texte de Musset et sur les représentations que vous connaissez pour défendre votre point de vue.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé le sujet
« Dans l'ensemble, les élèves ont bien compris qu'il y avait deux lectures possibles de la pièce, une lecture plus politique et une lecture tournée vers le drame individuel et psychologique de Lorenzo, ce que nous avions vu en cours. En revanche, ils ont eu du mal à articuler les deux et à comprendre le caractère nuancé de la citation de Bénichou. Ce sujet a curieusement donné quelques très bonnes copies, et quelques copies complètement hors sujet. »



15/ Armand d’Artois, metteur en scène de Lorenzaccio en 1896, choisit de ne pas représenter l’acte V. Pour quelles raisons ce dernier acte est-il cependant bien l’acte du dénouement voulu par Musset ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« Ce sujet a été donné à la mi-octobre. Les élèves ne l’ont pas réussi, car ils ont largement raconté l’acte V, ou bien se sont contentés d'analyses lacunaires, parlant par exemple de la mort de Lorenzo… L’intérêt du sujet toutefois a été de leur faire travailler plus précisément l’acte V, à une période où ils avaient besoin d’abord et avant tout de bien connaître le texte. Par ailleurs, le corrigé a été l’occasion de leur faire comprendre l’esprit de l’épreuve et ce qu’on attendait d’eux. »



16/ Variante - Le dernier acte de la pièce de Musset a posé problème à de nombreux metteurs en scène. Armand d'Artois, par exemple, le supprime dans son spectacle de 1896 ; Jean-Pierre Vincent, en 2000, ne garde que quatre scènes sur huit.

Comment comprendre ces modifications ? Peut-on défendre cet acte V voulu par l'auteur ? Quelles suggestions pourriez-vous faire pour respecter les intentions de Musset ? Vous vous fonderez sur le texte de Musset pour répondre à ces questions.

Remarques de la collègue qui a proposé ce sujet - Ce sujet de devoir dépasse les limites des questions de type bac mais invite à la réflexion sur les intentions et les choix de mise en scène, avec une part laissée à l'esprit créatif des élèves. A réaliser en deux heures au moins, ou en devoir-maison.

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17/ Variante - De nombreux metteurs en scène ont choisi de faire de très larges coupes dans l’acte V, voire de le supprimer. Ce choix vous semble-t-il judicieux ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« J'attendais une réflexion sur le sens de l'acte V, et non une analyse précise des mises en scène (nous n'avions vu en cours que quelques éléments sur la mise en scène d'Armand d'Artois et un tout début d'analyse de la mise en scène de Jean Vilar et Gérard Philipe). La majorité des élèves a bien réussi à relier la question à celle du sens de l'acte V, et à montrer qu'il s'agissait de l'acte qui porte le sens politique de la pièce. Quelques-uns se sont cependant perdus en essayant de restituer des éléments de cours sur les mises en scène, sans rapport direct avec le sujet. »



18/ Variante - Pourquoi est-ce l'acte V de Lorenzaccio qui a subi, au cours de l'histoire, le plus de coupes ?

Retour d'expérience de la collègue qui a posé ce sujet - Ce sujet a été souvent moins réussi. Les élèves ont songé à la suppression entière de l'acte V, mais faute, pour certains, d'avoir travaillé sur les partis-pris de mise en scène ( dossier documentaire distribué en vue de la préparation du devoir), ils n'ont pas envisagé les coupes partielles qui ont souvent été pratiquées. Nombre de devoirs ont du coup développé de manière générale le caractère injouable de la pièce telle qu'elle a été écrite par Musset.

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19/ Jusqu’à la mise en scène de Lorenzaccio par Otomar Krejca en 1967, la scène 6 de l’acte V a toujours été supprimée. Cette scène vous semble-t-elle importante pour le sens de l’acte V ?

Remarques - Ce sujet, contrairement au suivant, invite à se concentrer sur le sens de la scène dans l'acte V et à l'époque de sa première publication en 1834 : il semble donc a priori plus accessible aux élèves.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«Les élèves, à qui j'avais déjà, ne serait-ce qu'en comparant les différentes éditions dont ils disposent, mentionné l'importance de cette scène, n'en avaient pas toujours des souvenirs précis, notamment quant à l'objet de la revendication des étudiants. Tous ne se sont pas non plus arrêtés assez sur la violence de la répression. Ce sujet me semble intéressant car, comme cela doit être le cas pour un sujet sur 8 points, il porte sur un aspect précis de l'oeuvre : le sens de l'acte V, et non l'importance de l'acte V dans l'ensemble de la pièce. C'est l'occasion pour les élèves de réfléchir à l'importance des scènes de foules ou aux nombreux personnages anonymes aux rôles divers qui concluent la scène. Le corrigé a été l'occasion de s'interroger sur la possibilité de lire cette oeuvre de façon singulière puisque, selon moi, l'une des richesses de cette scène est sa dimension lyrique - ainsi que le souligne Zeffirelli. Le corrigé a aussi été l'occasion de s'arrêter sur la question de l'engagement de Musset. Pour poursuivre ce sujet, je leur ai demandé de dresser une liste de toutes les scènes où la foule apparaît, ainsi qu'une liste des personnages du peuple avec des citations précises permettant de comprendre le rôle de chacun ; je leur ai aussi demandé de commenter quelques vers des « Vœux stériles » et de la « Nuit de mai » pour comprendre quelle est la nature du message délivré par le poète. »

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20/ Quelles remarques vous inspirent les vicissitudes(*) de la scène V, 6 du Lorenzaccio de Musset de 1853 à nos jours ?

(*) Définition : Les vicissitudes sont des changements de fortune, des hauts et des bas. Dans le cas présent, ce nom désigne les traitements différents qu'a pu subir cette scène (suppressions, modifications, déplacements, etc)

Remarques - Ce sujet prend le relais du précédent pour inviter les élèves à remettre à présent la scène en perspective dans des contextes historiques différents. A l'usage, on s'aperçoit vite qu'il présente un certain nombre de difficultés sérieuses si on voulait le proposer dans le cadre d'un entraînement à l'écrit du bac.

  • La première de ces difficultés est que certaines éditions scolaires, mais aussi la Pléiade, continuent à proposer le texte de 1853 ; dans ces éditions, la scène 6 n'est plus celle de la révolte estudiantine, mais celle de la mort de Lorenzo à Venise. La première des précautions à prendre est donc de bien s'assurer que les élèves ont compris de quelle scène il s'agit.
  • La deuxième difficulté est que, pour faire à peu près le tour des problématiques, il faut que les élèves aient connaissance de cette suppression de 1853 et des motifs de l'autocensure de Musset (ce qui relève de la question de cours), des suppressions (au moins) de 1896 et de 1952, des modifications de 1976 ou de 1989, et du déplacement de 2000. En d'autres termes, il faut qu'ils aient travaillé la question, ne serait-ce qu'avec le tableau des modifications de l'acte V, avant de pouvoir la traiter en devoir sur table !! Par ailleurs, la documentation nécessaire pour produire une réponse suffisamment pertinente excède largement ce que nous pouvons exiger de nos élèves, dans un cadre horaire réduit de moitié et, qui plus est, largement amputé en début d'année 2013 par les incertitudes qui ont pesé, jusqu'au milieu du mois d'octobre, sur le cadrage exact du programme de cette année.

En revanche, aborder la question en cours est un excellent moyen de passer en revue, avec les mises en scène les plus intéressantes, les principales questions liées à la réception de Lorenzaccio. On peut donc envisager soit d'en faire le sujet d'un cours préliminaire (mais dans ce cas-là, il sera essentiellement magistral), soit d'un cours de synthèse, pour recadrer et compléter ce qui aura été vu de manière plus fragmentée dans la séquence consacrée à la réception.

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21/ La pièce Lorenzaccio de Musset vous semble-t-elle être une pièce politique ?

Vous vous appuierez sur le texte de Musset et sur les mises en scène que vous connaissez pour défendre votre point de vue.

Remarques - Ce sujet plus large que les précédents porte sur toute la pièce, et sa formulation plus ouverte laisse plus de latitude dans l'élaboration d'un plan. Reste que les mises en scène les plus accessibles aux élèves ont justement atténué ou éludé la dimension politique : il faudra donc, si les élèves n'ont pas une connaissance suffisamment précise des mises en scène de Krejca ou Rétoré par exemple, qu'ils compensent par un recours d'autant plus affirmé au texte de Musset.



22/ Variante - On parle souvent, à propos des mises en scène de Lorenzaccio, de lectures traduisant une approche soit plus « psychologique » soit plus « politique » : à l’aide d’exemples précis pris dans le texte comme dans les représentations successives de la pièce, développez ce que ces deux types de lecture recouvrent.



23/ Une représentation de Lorenzaccio qui se passe totalement des scènes de foule, en les supprimant ou en les réduisant à quelques personnages seulement, vous semblerait-elle respecter les intentions de Musset ?

Vous vous appuierez sur le texte de Musset et sur les mises en scène que vous connaissez pour défendre votre point de vue.

Remarques - Ce sujet peut être traité de manière très large, puisqu'il touche à la fois à la création par Musset d'un texte à lire, au contexte historique et politique de la publication, aux difficultés de la représentation, aux partis-pris dramaturgiques des différents metteurs en scène et aux lectures qu'ils proposent de la pièce. On peut réfléchir aussi à la représentation de Florence, à la fête et au carnaval. Une telle question peut donc être très intéressante comme devoir de synthèse, à condition d'avoir été préparée en amont, comme souvent, faute de quoi la réflexion sera partielle, ou le plan impossible à élaborer en quelques minutes dans un devoir en temps limité.



24/ Pour quelles raisons, liées au contexte de publication ou intrinsèques au texte, la pièce n’a-t-elle pas été jouée pendant plus de soixante ans, pour finalement n’avoir jamais été jouée intégralement ?

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« Ce sujet a été proposé à la rentrée de la Toussaint et a donné des résultats intéressants. Les élèves avaient été préparés par l’étude, en classe, de la réception de l’œuvre au XIXe siècle, en particulier Maynard sur lequel ils se sont bien appuyés. Ils ont su aller au-delà de ce que nous avions eu alors le temps de travailler, et ont évoqué par exemple le problème de la représentation de l’homosexualité. Ils ont bien parlé du caractère poétique de l’œuvre. En revanche, ils ont « buté » sur la fin du sujet, et se sont souvent placés dans la perspective du XIXe siècle, ce qui était dommage, mais s’expliquait par le point où nous en étions alors.»



25/ Comment expliquez-vous qu'une pièce réputée injouable en 1834 soit devenue l'une des plus souvent choisies par les metteurs en scène de tous les pays aux XXe et XXIe siècles ?

Vous répondrez à cette question en vous fondant sur une analyse systématique d'exemples et de citations du texte de Musset. Toute allusion à des mises en scène contemporaines devra être exploitée dans le sens du sujet, qui n'invite pas à une question de cours.

Remarques - Ce sujet très large présente l'intérêt de laisser une grande latitude à l'élève, mais aussi le double écueil de la dispersion et du catalogue. Il faut donc que l'élève y ait réfléchi plus tôt, et ait à sa disposition un nombre important d'exemples pour circuler du texte de Musset à ses interprétations scéniques. On peut envisager de le donner en devoir de synthèse, à la fin de l'étude de la pièce, ou en devoir-maison, en insistant bien sur le fait que la question de cours est exclue.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
«J'ai donné ce sujet en devoir de type bac, en évaluation de fin de séquence. Beaucoup d'élèves en ont fait une question de cours, sans tenir compte de la consigne, et m'ont longuement raconté comment Sarah Bernhardt avait réussi à imposer ses choix. Les meilleures copies ont cependant abordé convenablement, et de manière synthétique, les différents types d'obstacles à la représentation et les raisons pour lesquelles ils ont pu être progressivement levés : des exemples précis de mise en scène manquaient, mais je ne l'ai pas pénalisé. D'autres copies ont abordé le sujet sous l'angle de l'intérêt des metteurs en scène pour une oeuvre intemporelle, susceptible d'être réactualisée en permanence. Mais aucun élève n'a pensé à associer les deux axes dans une même réponse, preuve que ce sujet est probablement trop ambitieux dans le cadre d'un travail en temps très limité.»



26/ «Cette pièce est assurément beaucoup mieux appropriée pour une adaptation cinématographique que pour une création théâtrale ». Discutez ce jugement des auteurs de l'ouvrage parascolaire Hachette, L'épreuve de littérature Tle L bac 2013

Retour d'expérience du collègue qui a proposé ce sujet
« J'ai été déçu de constater que pas un seul de mes élèves n'ait argué du fait que Zeffirelli, que je leur avais présenté avant de visionner intégralement sa version de 1976, cinéaste reconnu internationalement notamment pour des adaptations de pièces de théâtre, et metteur en scène d'opéra, n'ayant mis en scène que deux pièces de théâtre dans toute sa carrière, ait choisi Lorenzaccio, et ne l'ait pas adapté au cinéma. Cela fournissait un argument de poids contre l'avis des auteurs du parascolaire ! J'attendais par exemple qu'ils fassent référence à l'aspect bavard, si peu cinématographique, du personnage, aux nombreux et interminables monologues, qui brisent le quatrième mur et font de Lorenzo le porte-parole théâtral de l'auteur. J'attendais qu'ils évoquent les décors et les accessoires, si symboliques et si peu réalistes : une adaptation cinéma favoriserait l'illusion réaliste et ferait rater le message de la pièce, la dénonciation de la vacuité du « bavardage humain », le théâtre dans le théâtre, qui fait de Lorenzo un acteur répétant son rôle et non un personnage historique. Il serait bon qu'un collègue reprenne ce sujet plus tard dans l'année et nous fasse part de ses observations. Une autre remarque de bon sens aurait été l'absence d'adaptations cinéma récentes de la pièce, alors qu'il s'agit d'une pièce maîtresse. Peut-être les élèves ont-ils craint de contredire une affirmation estampillée d'auteurs de parascolaires censés détenir la vérité ?»



27/ Parmi les aspects de cette pièce vus en classe, quels sont ceux que vous retiendriez et que vous mettriez en valeur si vous étiez metteur en scène et qu’on vous demande de monter Lorenzaccio ? Vous préciserez les moyens scénographiques que vous mettriez alors en œuvre.

Retour d'expérience de la collègue qui a proposé ce sujet
« J'ai imaginé ce sujet pour une classe faible et peu motivée, et il a bien marché. Il ne peut intervenir à mon sens que lorsque l'on a travaillé les différentes mises en scène ; à noter qu'il s'agissait d'un devoir-maison, et pour une fois, ils n'ont pas pu s'inspirer de quoi que ce soit. Beaucoup d'élèves ont sélectionné deux aspects (souvent l'importance du politique et l'ambiguïté) et, pour chacun, ont montré son importance dans la pièce puis la façon dont ils s'y prendraient pour mettre en avant ce fil rouge.»



28/ Les décors et les accessoires tels qu'ils sont prévus dans le texte de Musset sont-ils un frein à la représentation, ou au contraire, permettent-ils aux metteurs en scène et aux comédiens de renouveler la lecture de la pièce ?

Retour d'expérience du collègue qui a proposé ce sujet
«Certains élèves ont traité cette question en évoquant la mise en scène en général, mais sans une seule allusion à Lorenzaccio. D'autres ont oublié, quand ils font allusion à une mise en scène particulière vue en classe, de faire comme si leur correcteur ne savait pas de quoi il est question, et beaucoup confondent toujours le texte de Musset et les différentes mises en scène !»



29/ Sujet de Tokyo, session 2013 (question à 12 points)

Selon Claudia Stavisky, qui a mis en scène la pièce en 2010, « Lorenzaccio est un défi [...] que Musset lance à la communauté théâtrale tout entière.» Que pensez-vous de ce jugement ?


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