Florence
Je ne comprends en aucun cas pourquoi tu as
décidé
De me représenter ainsi dans ta
pièce,
Centre de débauche, hypocrisie et
corruption, mère
traîtresse…
Moi qui suis si belle et prestigieuse, qui ai
tant de qualités.
Musset
Et moi, je ne comprends pas
Ce que tu me veux là.
Florence
J’aspire à ce que tu
réécrives ta pièce
Sans m’exposer comme une diablesse !
Musset
Ô Florence, source de culture et
d’art,
N’as-tu pas compris que tes mauvais
côtés
Ne sont que des prétextes, car ta
beauté est rare,
Mais qu’une hypocrisie
générale se devait
d’être représentée !
Florence
Tu me représentes comme un «
maudit trou »
Et même comme « un spectre hideux,
une fange sans nom »,
As-tu l’impression qu’ici, de moi
tu montres tout ?
Comme si chez moi régnait seulement la
prostitution…
Toutes ces relations paraissent si malsaines
Elles sont bien trop négatives,
Sont présentes trop de fredaines
Et d’hideuses tentatives…
Je ne veux pas être encore lieu de
réflexion sur un meurtre
Et ne tolère pas tous ces excès
de violence,
J’exige que tu aies un avis neutre,
Ne pas ressembler au XIXème
siècle en France !
Musset
Parles-tu des tensions entre les
Médicis et les Strozzi
Ou encore de celles évoquées
avec les Salviati ?
De l’hexagone tu es effectivement une
métaphore
Il m’était impossible d’en
parler sans être en tort !
D’ailleurs, pourquoi ne me parles-tu ici
que de ces mauvais aspects ?
Moi qui ai fait apparaître tant de bons
côtés …
Tu as une allure si magique,
J’étais bien obligé de te
montrer comme mythique !
Florence
Je ne vois pas à quel moment
Tu parles de moi agréablement !
Musset
Je montre dans Lorenzaccio toute ta
richesse
Sans oublier ton intellectualité
Où tous les tourments psychologiques
sont ancrés.
Ton atmosphère est toujours
traitée avec la plus grande
délicatesse.
Connais-tu beaucoup de villes que
j’aurais citées
En évoquant tant d’incroyables
palais,
« Le palais Strozzi » qui est si
beau
Et même « la chambre à
coucher de Lorenzo » !
J’ai mis en avant ton sens artistique
Placé bien avant le tragique
Représenté par le peintre
Tebaldeo
Et aussi tout autour de l’Arno.
Penses-tu qu’il aurait été
possible sans ta présence
D’évoquer tous les plaisirs de la
Renaissance
Et de citer des artistes exceptionnels
Tels Buonarroti et Raphaël ?
Florence
Tu parles quand même de mes
côtés décevants,
Assurément… !
Aurais-tu d’autres exemples des
qualités citées ?
Car je ne l’avais pas vu ainsi mon
portrait !
Musset
Tant de symboles se créent dans ton
décor.
Est même mise en scène une
soirée déguisée
Où « plusieurs masques sortent
d’une maison illuminée »
Grâce à toi la pièce
obtient un caractère très fort !
Tu es vraiment le centre de ma pièce,
Un attachement essentiel pour flatter ton ego
Unit les personnages sans cesse,
Comme dans l’acte II avec Lorenzo et
Tebaldeo.
Je n’aurais pas pu imaginer
Que par ton biais
Seul le bien soit représenté,
Puisque pour moi chaque personne importante
Comporte le mal de manière plus ou
moins inconsciente
Pour qu’une âme
intéressante soit présente !
Je suis même naïf et étrange
de te parler,
Ce qui te montre à quel point je peux
t’aimer !
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