Une autre première de couverture pour la nouvelle

 

 


Pour cette première de couverture, j'ai opté pour un portrait du personnage éponyme, que je vais justifier en le détaillant de haut en bas.

J'ai voulu donner au visage de l'héroïne une expression indécise, par la contradiction des émotions qu'il exprime. Son seul œil visible est grand ouvert, au centre des lignes horizontales, ce qui indique son importance dans l'histoire : elle est la cause de quasiment tous les événements. Pourtant son sourcil est élevé, signe d'étonnement par rapport à l'importance de sa personne et des conséquences de ses actes sur ceux qui l'entourent. Son deuxième œil est caché par sa main. Un flot de larmes s'en écoule et entoure son avant-bras comme une parure de velours. Elle se mord les lèvres, signe d'une réflexion qui l'obsède (sa situation matrimoniale et amoureuse). Elle est donc tiraillée par tous ces sentiments, si nouveaux dans sa vie, et pourtant son regard fixe l'observateur pour lui transmettre ses émotions. Par ailleurs, son incertitude est traduite par l'opposition entre la clarté de son iris et la couleur sombre de sa chevelure.

Je lui ai offert une parure riche et élégante, à base de dorures. Sa tenue entière est un bijou, en référence à son rang élevé, accru encore davantage par son mariage avec le prince de Montpensier, ce qui justifie sa couronne, lévitant à l'extrémité supérieure de son chignon. Ses bijoux intègrent des rubis, mais de tailles ou d'emplacements différents, pour casser l'exactitude des lignes et donc suggérer l'incertitude qui dans chaque situation la contraint à se recroqueviller dans la contradiction.

J'ai aussi donné une place importante à la religion. La femme du XVIIe siècle est élevée au couvent, instruite pour devenir vertueuse et pieuse (d'où la croix plantée dans ses cheveux). Elle n'a pas le choix, elle doit se conformer à la morale religieuse de son temps. Pour rappeler cette importance de la religion chrétienne, j'ai disséminé des multiples de trois, en référence à la trinité : les anneaux tenant en place ses chignons, les rubis sur la face visible de sa couronne et de chaque côté de sa poitrine, sur la main posée sur son visage et sur ses talons hauts, ou bien encore les losanges sur son brassard en fourrure, ou les détails de bois ornant les plaques d'or de ses chaussures.

Son corps a des proportions séduisantes, car il est l'objet de la convoitise de ses prétendants. Ses vêtements la mettent en valeur, et elle porte un maquillage monochrome sur la joue, les paupières et les lèvres, en accord avec certains détails de sa tenue.

Sa position, en appui sur le sol par les extrémités de ses pieds, ne lui garantit aucune stabilité : tout son être est caractérisé par la grande incertitude de ses choix. Au début de son mariage, la religion et la morale chrétienne lui montrent quelle direction prendre, en opposition avec la passion, symbolisée par le rouge et le rose, qui l'entraîne sur d'autres chemins. Son instabilité est renforcée par l'eau de ses larmes, sur laquelle elle avance tout de même, puisqu'elle n'a pas le choix, dans un chemin ondoyant en mouvement, même si elle ne sait pas où il la mènera. Elle se tient droite, ce qui lui vient de son éducation, mais le balancement de son bras gauche laisse percevoir son incompréhension et son impuissance à maîtriser ses actes.

Enfin à chacun de ses poignets sont fixés les bouts d'un voile qui passe dans son dos. Par le même bleu que les larmes, quoique plus dilué, j'ai voulu exprimer le fait qu'elle est cernée par ce destin tragique, prisonnière d'un enchaînement de situations, de péripéties et d'éléments perturbateurs qui composent la trame narrative de La Princesse de Montpensier.



Première de couverture conçue et commentée par Xavier Haefflinger, TL2, novembre 2018.