Man Ray - Fil et aiguille, 1937


I/ Le dessin de Man Ray

1. Ce dessin onirique associe, comme souvent chez Man Ray, un élément réaliste, ici un paysage de semi-montagne, à un autre élément qui n'a avec le premier apparemment aucun rapport, ni de sens ni de proportion, en l'occurrence une immense aiguille fichée à la verticale dans le sol, autour de laquelle ondule un fil à forme humanoïde. Comme d'habitude encore, Man Ray s'est dispensé de toute explication de détail, mais il ne faut pas nécessairement se satisfaire de l'idée qu'il ne s'agit que d'un dessin de rêve sans signification.


Un premier indice est en effet donné par le lieu et la date qui figurent en bas à gauche du dessin, avec la signature : le dessin a été réalisé par Man Ray à Lans en 1937. Il s'agit plus que probablement de Lans-en-Vercors, ou de Villard-de-Lans, deux villages de l'Isère situés sur l'un des haut-plateaux du massif du Vercors. La configuration d'ensemble du paysage, avec une vaste plaine cultivée, un champ qui peut être de blé avec des coquelicots, et en arrière-plan des conifères et des falaises de calcaire pouvant constituer des gorges ou des canyons, tout cela confirme une telle localisation.

La date de 1937 et la présence de fleurs dans la vaste étendue du premier plan plaident pour une période estivale, au moment où, après un séjour en Cornouailles en juillet 1937, Man Ray est descendu en voiture de Paris à Mougins retrouver les Eluard, Roland Penrose et Lee Miller, Picasso et Dora Maar. Ce dessin est donc probablement l'un des derniers qu'il ait donnés à Eluard pour leur recueil commun des Mains libres.



Man Ray - Paysage de montagne vers Megève (???) - détail recadré - 1937

On trouve dans la base de données du Centre Pompidou une photographie qui évoque à la rigueur le paysage du dessin, si l'on fait abstraction d'un premier plan de barrières, de jeunes arbres et de pylônes. Mais il ne s'agit pas d'un original photographique que Man Ray aurait transposé au nuage près, comme il a pu le faire avec le château d'If : les lointains sont bien grumeleux, et le premier plan évoque plus des prairies que des champs cultivés. Et surtout, s'il s'agit bien d'un paysage du Vercors, la légende de Beaubourg est particulièrement mal indexée, ce qui arrive souvent dans cette base de données. Il faut donc se résigner à ne pas savoir quel est exactement le lieu que Man Ray a représenté sur son dessin.



Le mont Aiguille - © Jérémy Chieppa

Le mont Aiguille - © Guillaume Laget

Une autre piste semble fructueuse, mais elle présente elle aussi une difficulté. Au sud du massif du Vercors se dresse une éminence de calcaire mythique pour les alpinistes, le mont Aiguille. Il domine des haut-plateaux parfaitement mis en valeur par l'activité agricole, comme en témoignent ces deux photographies trouvées sur internet, et qui correspondent tout à fait au type de paysage qu'a dessiné Man Ray. Mais à l'évidence, ce n'est pas ce mont qu'il a représenté : sa forme caractéristique de molaire taillée à pic ne correspond pas à celles de la montagne de gauche sur le dessin, et les falaises de droite ne semblent pas aussi élevées. Si donc un internaute de la région du Vercors peut retrouver l'angle de Man Ray et nous envoyer la photographie qui justifierait une bonne fois pour toutes la validité de notre hypothèse, nous lui en serions éternellement reconnaissante.

 

2. Il ne fait en tout cas guère de doute que c'est le nom de ce sommet, dont il a d'ailleurs pu entendre parler lors de son étape de Lans sans le voir, qui a déclenché chez Man Ray un processus créatif d'abord fondé sur un jeu de mots fréquent chez lui : l'Aiguille qui domine le sud du massif du Vercors est devenue dans son dessin une aiguille impressionnante, fichée dans le sol et cadrée en contreplongée. « De fil en aiguille », d'association d'idées en souvenirs plus ou moins conscients, Man Ray a superposé au paysage qu'il avait sous les yeux d'autres motifs qui, selon des chercheurs américains, peuvent être situés dans le contexte de sa relation compliquée avec ses origines new-yorkaises et juives.

Le motif de l'aiguille et de la couture est en effet intimement lié à ses souvenirs d'enfance. Dans sa biographie de Man Ray, Neil Baldwin raconte : « Tout le monde s'entassait dans la pièce de devant où l'on fabriquait des gilets sur mesure. Elsie était à présent assez grande pour enlever le bâti, Dora cousait à la main les doublures, Sam faisait les petites courses dans le quartier - il avait un faible pour le fabriquant de boutonnières. Quant à Emmanuel, l'aîné, on lui confiait les livraisons éloignées à assurer en trolley, ce qui convenait à son besoin d'évasion. Les époux Radnitsky étaient des travailleurs acharnés. Max s'endormait souvent sur sa machine à coudre sur le coup de deux heures du matin. Quand la semaine avait été bonne, après avoir distribué parcimonieusement un dollar à chaque enfant, Max arrivait à ses 32 dollars 50 net» (Plon, 1998, p.20). C'est apparemment de tels souvenirs d'enfance qui ont surgi une nuit de 1937 et qui ont été fixés sur le papier le lendemain matin.


Man Ray - Fil et aiguille, 1937

Man Ray - Tapestry, 1911

Le détail des champs cultivés à gauche du dessin, et dans lequel s'inscrivent signature, lieu et date, évoque d'abord curieusement la première oeuvre « proto-dada » par laquelle Man Ray a su manifester son indépendance vis-à-vis de la tradition académique. Il s'agit d'une tapisserie à la fois abstraite et vaguement figurative réalisée à vingt et un ans avec cent dix échantillons de tissus ramassés dans l'atelier de confection de son père, et qu'il avait cousus dans un patchwork signé pour la toute première fois de son nouveau nom : Man Ray. C'est en effet cette année-là que la famille changea son nom de Radnitsky en Ray, pour tenter d'échapper à la discrimination qu'elle subissait à cause de ses origines russes et juives. Mais ce n'était pas la première fois que le jeune bricoleur s'emparait de tout ce qui lui tombait sous la main pour le transformer en une œuvre qui lui fût personnelle.

 

Ce thème du fil et de l'aiguille, associés logiquement aux ciseaux mais aussi à bien d'autres objets, revient fréquemment par la suite dans les rayogrammes, ce qui est assez logique dans la mesure où Man Ray utilisait cette fois la photographie pour réaliser ses assemblages : cette technique donnait à tous ces objets du quotidien un halo de mystère et en quelque sorte une nouvelle existence poétique, souvent incongrue, en tout cas détachée de tout souci utilitariste.


Man Ray - Rayogrammes - dates diverses


3. La forme humanoïde dessinée par un fil, que ce soit sur un rayogramme ou un support en papier, est nettement moins fréquente, mais les quelques exemplaires qu'on peut en repérer sur internet indiquent qu'elle n'appartient pas à une période particulière de la vie artistique de Man Ray, puisqu'on en trouve au moins deux, en 1928 et presque quarante ans plus tard, en 1965 :

Man Ray - Rayogramme, v.1928

Man Ray - Needle and thread, 1965

 

Pourtant, celle qui figure sur le dessin des Mains libres est plus originale, puisque cette fois Man Ray superpose une forme évidée à un paysage. On peut en trouver un prototype dans une silhouette de la base de données du Centre Pompidou, obtenue par découpage d'une forme féminine dans le négatif d'une photographie de cours d'eau avec des arbres qui s'y reflètent ; les branches d'un saule pleureur figurent les cheveux de la jeune femme. Mais Man Ray pense probablement surtout à la porte que son ami Marcel Duchamp a dessinée pour la galerie d'art d'André Breton, Gradiva, qui vient d'être inaugurée quelques semaines auparavant, au mois de mai 1937. Les pages de l'agenda de 1937, dans la semaine du 3 au 9 mai, confirment la participation active de Man Ray à cet événement.


Profil découpé dans un négatif de paysage
vers 1930

Marcel Duchamp - Porte de Gradiva, 1937
Réplique en plexiglass, New York, 1968


Mais le dessin de Man Ray pousse encore plus loin l'abstraction, puisque la forme humanoïde ne masque absolument rien, et semble appartenir pleinement, malgré son incongruité, au paysage qu'elle surplombe et sur le ciel duquel elle se détache de presque toute sa hauteur.

De quelle forme s'agit-il ? On peut tout à fait y voir un couple enlacé, une sorte de variante verticale de ces Amants qu'imaginait Man Ray dans les lèvres de Lee Miller, et que nous avons déjà signalés. Dans ce cas, le dessin peut évoquer l'universalité de l'amour et de ses déceptions ; mais si c'est bien l'ombre de Lee Miller qui plane toujours sur ce paysage, on peut se demander si l'aiguille qui relie, autant qu'elle sépare, le couple enlacé n'a pas la fonction magique que pourrait lui donner un rituel vaudou.


Man Ray - Fil et aiguille, 1937

Man Ray et sa mère - 1895

Une spécialiste de Man Ray, Milly Heyd, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, propose de son côté une interprétation bien plus originale : « Dans le dessin Fil et Aiguille de 1937, l'obsession de l'artiste à propos de son passé prend un tour personnel plus aigu. La combinaison de l'aiguille et du fil délimite et suggère une forme féminine. Or cette image est particulièrement saisissante, puisque la figure de la femme et sa coiffure rappellent la silhouette de la mère de l'artiste dans la photographie de famille présentée plus haut. Mais ici, l'artiste transperce l'image de sa mère avec l'aiguille. Man Ray n'indique pas explicitement qu'il associe sa mère à l'artisanat de l'habillement, à la différence de Gropper. Et pourtant, son humour mordant entrelace les deux, en identifiant le fil à l'image transpercée de la mère. Elle est devenue une figure cosmique : le paysage (ou le monde entier) est vu à travers sa silhouette. L'image reprend en la développant la Tapisserie de Man Ray, une œuvre de jeunesse, dans laquelle une forme humaine est suggérée par le patchwork. Dans Fil et aiguille cependant, l'artiste, en transperçant la figure maternelle, tente aussi d'exorciser le pouvoir magique qu'elle exerce sur lui : il s'agit pour ainsi dire de l'expression la plus éloquente de sa relation filiale ambivalente.» (traduit de l'anglais par A. Vinas)

 

II/ Du dessin au poème

Paul Eluard, malgré son amitié pour Man Ray, devenue plus étroite à partir de 1935, ne peut évidemment entrer dans l'intimité de la genèse de ce dessin : il n'a besoin d'en connaître ni le cadre spatial ni les éventuels arrière-plans biographiques et fantasmatiques. Il projette donc sur lui son propre espace intérieur, ses propres préoccupations et son expérience personnelle. Comment pourrait-il en être autrement ?


  1. Il semble que ce soit le titre qui se soit imposé à lui d'emblée, avec un glissement qui l'a fait passer de « Fil et aiguille » à l'expression courante « de fil en aiguille ». Peut-être a-t-il été aussi plus ou moins consciemment influencé par le thème des Parques qui dans la mythologie gréco-romaine filaient le fil de la destinée humaine de la naissance à la mort ; c'est bien en tout cas ce champ lexical du déroulement du Temps et ses connotations tragiques que l'on repère d'abord à la lecture :

    Sans fin donner naissance
    À des passions sans corps
    À des étoiles mortes
    Qui endeuillent la vue.


    L'inéluctabilité de ce déroulement est suggérée par la fluidité des allitérations en fricatives [f] et sifflantes [s], par l'ombre des échos en nasales [sã] (x 3) et par l'assonance approximative dans les rimes intérieures de la syllabe [or]. Les sonorités du dernier vers, très différentes des trois premières, claquent alors comme un arrêt funèbre martelé en 3/3.

  2. L'élargissement cosmique du poème, exprimé par l'expression « sans fin », les pluriels des noms « passions » et « étoiles » et le motif stellaire, est quant à lui appelé par le cadrage même du dessin, en plan d'ensemble donnant à la nature et surtout au ciel une part exceptionnelle : Eluard ne les mentionne pas en tant qu'éléments physiques, il ne décrit ni même n'évoque aucun paysage, mais il en transpose l'immensité spatiale en immensité temporelle.

 

III/ Le poème d'Eluard

1. On pourrait dans une première lecture considérer que cette expérience universelle est celle de l'amour : la forme humanoïde de Man Ray est peut-être pour Paul Eluard celle d'un couple enlacé, que l'aiguille transperce ou sépare, et c'est le vide de la forme qui le frappe. A quelles « passions sans corps » (qui ont fini par perdre leur corps ?), à quelles « étoiles mortes  » peut-il songer, comme un nouveau Desdichado qui redirait après Gérard de Nerval : « Ma seule étoile est morte » ? Dans l'histoire personnelle d'Eluard, il s'agit forcément de Gala, passionnément aimée mais perdue après sa rencontre avec Max Ernst, puis surtout Salvador Dali. Dans celle de Man Ray, on peut penser surtout à ses amours avec Kiki de Montparnasse, puis bien entendu Lee Miller, passion qui a laissé des traces profondes et indélébiles, et dont le souvenir est ravivé en 1937 par le retour en Europe de Lee, qui est en train de s'éloigner de son mari égyptien. Man Ray l'a présentée à Roland Penrose, dont elle est devenue la maîtresse, pendant que l'épouse de Penrose, Valentine, partait en Inde vivre une passion lesbienne avec Alice Paalen. On pourrait ajouter les passions successives de Picasso, que les amis ont retrouvé pendant les étés 1936 puis 1937, alors qu'il s'était détaché de Thérèse Walter pour vivre une nouvelle liaison avec Dora Maar. Dans le groupe d'amis de Mougins, les passions sont donc à géométrie variable, et de nouvelles étoiles supplantent régulièrement les astres qui ont cessé de scintiller : la seule loi est celle du désir et de la liberté, ce qui ne laisse pas longtemps de place au deuil et aux regrets. Mais le défaut de cette analyse biographique est de faire fi de la dimension tragique que connotent les vers du poème.

2. On peut alors remarquer que ce poème semble propre à ouvrir une nouvelle page, et même un nouveau livre. Comme l'a signalé Nicole Boulestreau (2), son déplacement dans le manuscrit de la cinquième à la première place indique le rôle inaugural que Paul Eluard a voulu lui faire jouer dans le recueil des Mains libres. Il suit en effet immédiatement le texte de la préface, que le dessin déjà prolonge, avec les « plages désertes » du « papier, nuit blanche » et surtout cette bouche (même absente) « autour de laquelle la terre tourne » (3).

Suivons l'analyse proposée par Stéphanie Caron lors de ses conférences des 5 et 7 novembre 2013 :


« Le texte se construit autour d’un verbe à l’infinitif, qui confère à l’énoncé une valeur générale, non ancrée dans une temporalité ou un procès donnés. Le recours à ce mode impersonnel, utilisé ici pour un verbe qui connote l’idée de création (« donner naissance »), incite à lire ce texte posé à l’orée du recueil comme une réflexion sur le rôle de l’artiste — poète, mais peut-être aussi peintre, puisque le dernier mot du texte est « la vue ». Or, le quatrain s’ouvre sur l’idée d’une répétition infinie, marquée dès l’attaque par la locution prépositionnelle « Sans fin » et renforcée, dans les deux vers suivants, par la reprise anaphorique du groupe prépositionnel « A des ». Le retour lancinant des mêmes sonorités semble en outre condamner le texte à une sorte de ressassement sonore, dont le premier vers offre une illustration saisissante : il s’ouvre et se clôt sur une assonance en [ã], qui enferme la parole dans une espèce de boucle sonore. Cette répétition du même assimile d’emblée la « naissance » évoquée au vers 1 à une mort, mort dont le champ lexical sature d’ailleurs toute la fin du poème : « étoiles mortes », « endeuillent ». Se devine, dans ces syntagmes, une référence aux trois Parques, dont l’aiguille et le fil de Man Ray ont pu éveiller le souvenir chez Éluard.

Difficile, dans ces conditions, d’admettre que l’on puisse lire ce poème (ainsi que certains commentateurs le proposent) comme une sorte d’art poétique, dans lequel Éluard décrirait son propre travail d’artiste. Il semble au contraire que le poète porte ici un jugement sévère sur les modes de représentation du réel qui ont, depuis toujours, prévalu, et qui se fondent, en art comme en poésie, sur l’imitation. L’anaphore des vers 2 et 3 permet d’ailleurs à Éluard de renvoyer dos à dos les deux modes d’expression : à la poésie qui donne naissance à des « passions sans corps », c’est-à-dire à des émotions artificielles, désincarnées, répondrait la peinture qui crée des « étoiles mortes ».

A l’orée du recueil, le poète comme le peintre semblent donc congédier, de concert, les anciens modes de représentation du réel, et affirmer ainsi leur intention d’inventer, ensemble, un nouveau mode d’accès à la réalité. Refusant la « vue endeuillée » que stigmatise le dernier vers de « Fil et aiguille », les deux artistes vont s’attacher à « libérer la vision », conformément au but qu’Éluard assignait à l’art dans « L’évidence poétique » : « Libérer la vision, joindre l’imagination à la nature, pour considérer tout ce qui est possible comme réel, pour nous montrer qu’il n’y a pas de dualisme entre l’imagination et la réalité ».


(1) Milly Heyd, « Man Ray/Emmanuel Radnitsky : Who is behind the enigma of Isidore Ducasse ? » in Complex identities : Jewish Conciousness and Modern art, Rutgers University Press, 2001, p.130

(2) Nicole Boulestreau, « L'emblématique des Mains libres  », in Bulletin du bibliophile n°2, 1984, p.205, note 12.

(3) Dans son mémoire de maîtrise consacré aux Mains libres, Christine Leconte écrit ceci : « Il est en effet, significatif que « Fil et aiguille » et « La Toile blanche » soient les deux premiers dessins des Mains libres, car les deux titres peuvent aisément évoquer les éléments de base de toute création graphique. « Fil et aiguille » renverrait en quelque sorte aux matériaux, le fil suggérant la ligne graphique, élément privilégié de cet art, et l’aiguille, la plume, par sa pointe acérée qui, selon les termes employés par Éluard dans la préface du recueil, caractérise la « griffe » de Man Ray. La toile blanche, elle, renverrait à l'espace pictural encore vierge : « Le papier nuit-blanche. Et les plages désertes des yeux du rêveur. »


© Agnès Vinas
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