Adaptation radiophonique du début de la scène de la rivière




Pour cet exercice, notre but commun a été de recréer à notre manière la scène de la rivière décrite dans la nouvelle La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette. Cet épisode se trouve aux pages 48-50 de notre édition Garnier-Flammarion. Puisque nous étions deux, chacun de nous a assumé le rôle d'un personnage de cette scène, à savoir le duc d'Anjou et le duc de Guise. Thibaut ayant un timbre de voix plus grave que celui d'Alain, il a été désigné pour interpréter le duc de Guise, pendant qu'Alain a tenté de reproduire le ton hautain du duc d'Anjou.

Grâce aux bruitages, nous avons aussi essayé de recréer une ambiance proche de celle de l’œuvre originale, de manière à permettre une meilleure compréhension de l'action. Par exemple, l'enregistrement débute par des bruits de chevaux au galop, ce qui suggère que les protagonistes sont des cavaliers et qu'ils sont plusieurs. Dès le début du dialogue, le duc de Guise est rendu confus par son erreur sur le mauvais chemin qu'il a emprunté, et le duc d'Anjou, de son côté, se moque de lui. En effet dans la nouvelle les deux protagonistes sont très proches : pour suggérer cette relation, le dialogue est rempli de plaisanteries qu'ils s'adressent mutuellement. De cette manière, chacun des personnages exprime sa proximité avec l'autre, en se permettant cette liberté. Comme le duc de Guise se fait critiquer dans le texte original par tous ses compagnons pour s'être trompé de chemin, nous avons transposé ce moment.

On entend à plusieurs reprises des gazouillis d'oiseaux et le murmure d'une rivière, ce qui rend perceptible l'atmosphère idyllique du décor. Nous avons par ailleurs évoqué cette rivière dans le dialogue des deux ducs, qui décrivent les lieux et les alentours. De Guise décrit les barques mentionnées dans le livre et les personnes à son bord, ce qui permet aussi une meilleure compréhension de la scène.

Le passage au registre merveilleux est suggéré dans la nouvelle par les hyperboles ; pour le transposer, un son léger de harpe signale, comme dans les dessins animés, une apparition féérique. Nous avons aussi glissé une référence à Lancelot et à l'univers des romans courtois afin de traduire l'émerveillement des personnages.

Dès que la princesse est aperçue, sans être identifiée comme dans la nouvelle, les deux protagonistes parlent de sa beauté extraordinaire, mais avec des réactions différentes. Le duc Anjou, habitué aux aventures galantes, la réclame pour elle, comme dans l’œuvre originale ; on entend alors un brouhaha de groupe en colère et une réaction dont le registre familier (« Hé ! ho ! ») crée un effet burlesque. Outre le comique de cette réaction, ce bruitage permet de rappeler que les deux protagonistes ne sont pas seuls, mais bel et bien accompagnés par une escorte qui, comme dans la nouvelle, n'a droit à aucune réplique au discours direct, mais produit seulement un bruit de fond.

A partir du moment où Guise décline l'identité de la dame à la barque, il a fallu trouver le moyen de suggérer son malaise, ce que nous avons fait par son silence grandissant, soutenu par des effets de harpes aux connotations magiques qui soulignent son trouble. Pour exprimer ses pensées intérieures, nous le faisons marmonner dans des apartés. De cette manière, Guise s'efface petit à petit, tandis que le duc d'Anjou se lance dans des tirades et monopolise de plus en plus la parole. Ainsi la scène se termine par le duc d'Anjou montant dans la barque en ordonnant à ses compagnons de le rejoindre de l'autre côté.

Nous avons donc combiné écriture d'un dialogue, utilisation de bruitages et intonations de la voix pour trouver des équivalences sonores au texte de la nouvelle, de manière à ne perdre ni informations ni connotations, ce qui est plus difficile. Le décalage que l'on perçoit à l'audition entre des registres poétiques, idyllique et merveilleux, et un dialogue plus moderne et plus ironique nous a semblé la meilleure manière de suggérer la distance du narrateur de la nouvelle de Mme de Lafayette vis-à-vis de ce « commencement de roman », dont l'auteur pense que, loin d'annoncer des événements heureux comme dans les romans baroques et précieux, il est au contraire le premier épisode d'une série d'événements qui mèneront les protagonistes à la catastrophe.


Adaptation réalisée par Thibaut Buchard et Alain Terrats, TL1 - Novembre 2017.